A vôtre bon coeur, M’sieur Dame !
Téléthon, Restos du coeur, Sidaction, la journée pour le coeur, la lutte contre le cancer, la banque alimentaire, … nous sommes très fréquemment sollicités pour la bonne cause. A vôtre bon coeur, M’sieur Dame ! Selon une étude, la « générosité des Français », chaque année, représenterait en effet plus de 4 milliards d’euros « donnés » à des associations et à des fondations.
En 2014, les Français ont donné 4% de plus qu’en 2013 (entre 4,2 et 4,4 milliards d’euros), et ont déclaré des montants supérieurs de 7,2% à l’administration fiscale (2,4 milliards d’euros de la part de 5,5 millions de foyers fiscaux).
Si ces organismes ont bien reçu ces 4 milliards, les donateurs n’ont pas déboursé les 4 milliards donnés. En effet, puisque certains peuvent récupérer une partie de ces dons, parfois jusqu’à 75%, en déduction fiscale.
Quelle est la part exacte des dons récupérée ainsi en déduction fiscale, je ne sais pas. Supposons que sur les 2.4 milliards de dons déclarés, les donateurs en récupèrent 1.5. Cela veut dire que 37% des sommes reçues par le organismes, 1.5 milliard par an, est en fait financé par les impôts.
Concernant les organismes permettant la déduction fiscale maximale, dire par exemple « j’ai donné 100 euros aux restos du coeur », c’est généreux, mais il serait plus honnête intellectuellement et plus exact de dire « j’ai donné 25 euros, et j’ai poussé la communauté à donner 75 euros via les impôts », c’est la vérité comptable.
Loin de moi l’idée de contester l’intérêt d’encourager la recherche médicale, l’assistance aux démunis, aux malades, mes remarques portent juste sur l’efficacité de la méthode.
Toutes les activités « Téléthon, Restos du coeur, Sidaction, la journée pour le coeur, la lutte contre le cancer, la banque alimentaire » et bien d’autres mobilisent une grande énergie de très nombreux bénévoles. Par ailleurs, 46% des français déclarent donner au moins une fois par an, donc ici aussi, beaucoup de monde, beaucoup d’énergie. Notons aussi que 5.5 millions de foyers fiscaux réclament une déduction, que de paperasses, de contrôles, de calculs, encore une fois que d’énergie dépensée.
Et tout cela pourquoi ?
Pour dégager 4.4 milliards annuels dont 1.5 venant des impôts (pour cela, il aurait été plus simple de décider de cette somme sans une gigantesque usine à gaz faisant intervenir plus de 5.5 millions de foyers fiscaux), donc en fait pour dégager seulement 2.9 milliards
A l’échelle de notre portefeuille, c’est effectivement une belle somme. Et si l’on en croit tous les messages diffusés dans ces opérations caritatives, cela va considérablement aider la recherche sur le cancer, le sida, les maladies orphelines, le coeur, … cela va aussi considérablement aider les défavorisés via les restos, la banque alimentaire, abbé Pierre ou similaires En exagérant à peine, le message perçu est que nous réglons tous ces problèmes avec ces 2.9 milliards trouvés grâce à tant de bonne volonté, grâce à tant d’effort de 46% des français sur l’année,
Mais …
Dans un autre domaine, que lisons nous dans l’actualité ?
« 2016 : Pour permettre de relancer la croissance et l’inflation dans la zone euro, la BCE prévoyait de racheter les dettes douteuses à un rythme mensuel de 60 milliards d’euros. 18 mois plus tard, la BCE a augmenté en mars dernier son enveloppe mensuelle d’achats à 80 milliards d’euros. Le seuil symbolique de 1.000 milliards d’euros de dette acquise par la Banque centrale européenne vient d’être franchi »
Oui, vous avez bien lu, depuis 2 ans, la BCE (banque centrale européenne) investit, sans doute à fonds perdu puisque ce sont des dettes douteuses à gros risques, 60 milliards par mois, et aucun problème s’il faut après 18 mois passer à 80 milliards (on ne va quand même pas chipoter pour 20 milliards de plus … par mois). Le total du tout dépassant les 1000 milliards.
Si on leur avait dit qu’avec 2.9 milliards (à peine 0.3% de plus pour eux), nous sauvions la France, et une partie du Monde (après tout, le progrès de la recherche médicale n’est pas utile qu’à la France !), peut-être la BCE aurait-elle accepté de générer 1002.9 milliards au lieu de 1000 !?
J’ai commencé ce paragraphe hier. Depuis, à raison de 80 milliards par mois répartis sur 22 jours ouvrés, la BCE vient de générer 3.6 milliards ! Et toujours rien pour toutes les nobles causes citées.
Je reviens donc sur l’efficacité de la méthode pour financer toutes ces causes : il me semble évident qu’elle est ridiculement faible. Simplifions les choses. Si ces « biens et services » sont d’intérêt général, finançons-les directement comme les autres (et comme expliqué par ailleurs).
Mais si toute cette mécanique bien compliquée a pour but réel de donner bonne conscience aux donateurs, et de procurer quelques loisirs aux divers bénévoles, pourquoi pas. Mais si les bénévoles ont pour réel objectif d’être utiles et efficaces pour la communauté, qu’ils ne dépensent pas une grosse part de leur énergie à demander de l’argent aux autres (même si ce n’est pas leur seule activité), les actions plus utiles ne manquent pas.